Nous voyons tous des manquements dans notre vie chrétienne : de la difficulté à aimer quelqu’un de désagréable ; des luttes pour être heureux dans notre vocation de conjoint, de parent ou de célibataire ; une tendance à la paresse ou à l’indiscipline ; de trop régulières manifestations d’impatience ou d’irritabilité. Nous constatons aussi combien notre cœur reste orgueilleux et égocentrique, ou combien notre âme, peinant à s’attendre complètement à Dieu, est souvent en proie au découragement ou à l’angoisse. Et puis, il y a ces péchés qui paraissent nous coller à la peau, qu’on se met à appeler « habitudes » ou même « addictions », et qui ont l’air de faire partie de nous et de notre caractère. Nous savons que Dieu nous a sauvés pour que nous menions une vie sainte et mature, mais les changements nous paraissent parfois bien trop difficiles. Y a-t-il vraiment encore de l’espoir ? La réponse est assurément « oui ». Mais nous devons endosser nos responsabilités et comprendre, en particulier, que la prière est une clé pour progresser. La prière remplit au moins cinq fonctions dans notre sanctification.
La prière humilie : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire »
Premièrement, la prière humilie. En Jean 15, Jésus a déclaré : « Sans moi, vous ne pouvez rien faire ! ». Ces propos ne sont pas très « vendeurs », mais ils révèlent un élément fondamental du christianisme : l’éloge de l’humilité et de la faiblesse. Dans le contexte de Jean 15, Jésus est en train de parler des fruits produits dans la vie chrétienne, et son message est clair : de même qu’un sarment ne peut pas porter de fruits sans être attaché au cep, un chrétien ne le peut non plus sans être uni intimement à Christ. Pas d’amour, de joie, de paix, de patience, de bonté, de bienveillance, de fidélité, de douceur ni de maîtrise de soi (Galates 5,22) pour un chrétien qui vit sa vie de manière indépendante de Jésus. Or, comment manifeste-t-on notre dépendance à Christ ? En laissant ses paroles demeurer en nous (verset 7), mais aussi en recourant à la prière.
La condition pour prier, c’est la faiblesse
Dans son livre Prière, Ole Hallesby a affirmé que la condition pour prier, c’est la faiblesse : les deux vont de pair. Je prie parce que je suis impuissant et nécessiteux. Impossible de trouver la force de pardonner à une personne qui m’a offensé ; ma seule solution, c’est de venir devant Dieu en prière et de lui dire : « Seigneur, c’est trop dur, je te supplie de me donner toi-même l’esprit de pardon qui était en Christ ! ». Pour Hallesby, le chrétien est quelqu’un qui, conscient d’être un malade spirituel, s’expose aux rayons puissants du soleil de la grâce, pour qu’il tue les bactéries du péché.
La prière demande pour posséder
En second lieu, la prière demande. Jacques a averti : « Vous ne possédez pas, parce que vous ne demandez pas » (Jacques 4,2). Vous piquez régulièrement des crises de colère à la maison… mais en avez-vous fait un sujet de prière ? Vous êtes tellement esclave du regard des autres que vous êtes vite handicapé(e) par l’angoisse et un mal-être intérieur… mais en avez-vous fait un sujet de prière ? Vous vous savez un peu trop obnubilé(e) par vos loisirs… mais en avez-vous fait un sujet de prière ? Hallesby constate que si nous négligeons la prière, notre vie intérieure deviendra pauvre, et un décalage croissant se fera entre l’image du chrétien spirituel que nous voulons donner et ce que nous vivons réellement à l’intérieur.
Si nous négligeons la prière, notre vie intérieure deviendra pauvre, et un décalage croissant se fera entre l’image du chrétien spirituel que nous voulons donner et ce que nous vivons réellement à l’intérieur.
S’inspirer du Notre Père et des prières de Paul
La prière, en toute humilité, demande. Elle demande, en s’appuyant sur le Notre Père, que le nom de Dieu soit sanctifié, que son règne vienne et que sa volonté soit faite… dans notre vie, de manière concrète, dans tous les domaines où nous constatons une incohérence entre ce que nous devrions vivre et ce que nous vivons dans les faits.
La prière demande comme l’apôtre Paul a demandé : que Dieu me rende digne de son appel (2 Thessaloniciens 1,11-12), qu’il fasse grandir ma foi, mon amour et mon espérance (1 Thessaloniciens 1,2-3), que je progresse en connaissance et en intelligence (Philippiens 1,9-11), que Dieu m’enracine toujours dans l’amour et me fasse comprendre l’amour de Dieu pour moi (Ephésiens 3,14-19). Cette dernière requête est capitale : nous avons besoin de l’aide de Dieu non seulement pour réaliser les « impératifs » de la vie chrétienne, mais aussi pour s’approprier les « indicatifs », tout ce qui touche à ce que nous sommes en Christ. Car plus nous avons compris ces indicatifs, plus nous serons motivés pour obéir aux impératifs.
Nous avons besoin de l’aide de Dieu non seulement pour réaliser les « impératifs » de la vie chrétienne, mais aussi pour s’approprier les « indicatifs », tout ce qui touche à ce que nous sommes en Christ.
Se soumettre aux rayons X de la lumière divine
Troisièmement, la prière écoute. Imaginez une consultation médicale. Vous souffrez de plusieurs maux pénibles, dont vous parlez d’une traite à votre médecin. Une fois que vous avez terminé, vous prenez congé de lui, sans même le laisser prendre la parole. Hallesby constate que nous agissons souvent de la sorte quand nous prions : nous présentons à Dieu nos fardeaux et nos soucis, puis nous prononçons « l’amen » final et retournons à notre quotidien. Quel est le problème ? Nous n’avons pas vécu un temps de prière qui écoute et qui, pour reprendre les mots de l’auteur, se soumet aux rayons X de la lumière divine. Or le temps de la prière doit être un temps pendant lequel nous laissons le Saint-Esprit parler de nos péchés et aller débusquer ce qui se tapit dans les profondeurs de notre cœur. Nous faisons nôtre la prière de David : « Sonde-moi, ô Dieu, et connais-moi cœur » (Psaume 139,23).
Un exercice impossible sans prendre le temps de s’arrêter
Cette « écoute » n’est pas déconnectée de la méditation de la Bible, qui va au contraire nourrir nos réflexions puis nos prières. De même qu’une lumière particulièrement vive nous permet de voir plus clairement nos rides, nos dents jaunes et nos cheveux gris, la lumière ardente de l’Écriture est un projecteur puissant sur nos défauts et péchés les plus profonds. Cela implique évidemment de prendre le temps de l’écoute et de la méditation : rien ne se passera si je lis « mon chapitre du jour » en quelques minutes sans prendre le temps d’y réfléchir et de le faire interagir avec ma propre vie.
La prière combat pour aller sur le champ de bataille
Tout cela peut paraître difficile… et c’est normal puisque, comme le dit Timothy Keller, « rien de grand ne peut exister facilement. La prière doit donc être une des activités les plus difficiles au monde ». La prière s’apparente à un combat – c’est notre quatrième point. Rendons-nous dans le jardin de Gethsémané. D’un côté, nous y voyons Jésus, combattant et agonisant en prière. De l’autre, nous observons les disciples en train de dormir et repris par le maître : « Veillez et priez, afin de ne pas entrer en tentation ; l’esprit est bien disposé, mais la chair est faible » (Marc 14,38). Les circonstances lui donnent raison : lorsqu’une troupe vient à leur rencontre pour arrêter Jésus, celui-ci tient ferme et ressort vainqueur, tandis que les disciples connaissent une débandade historique.
Sans les forces de Dieu, nous serons massacrés
La prière est un combat, parce que le monde est un champ de bataille. Le diable est résolu à nous faire pécher autant que possible et à faire de notre vie un enfer. Si nous voulons tenir fermes, nous avons besoin des forces de Dieu… et c’est par la prière que nous y recourons. Le puritain Forsyth, cité par Keller, écrit : « Comme la nourriture, la prière renouvelle notre force et notre santé. Prier, c’est assimiler la force morale du Dieu saint. La prière revient à s’approprier puissamment une puissance, une puissance divine ». Sans être équipé de cette force, nous serons « massacrés » par le diable, terrassés par notre péché et sans volonté face à la tentation. Peut-être que la prière que vous avez à faire est celle-ci : « Seigneur, tu vois cette nouvelle journée au bureau. Tu sais que je suis sensible au charme de ma nouvelle collègue de travail et que de mauvaises pensées pourraient me venir à l’esprit. Je me sens tellement faible ! Revêts-moi de toutes les armes dont j’ai besoin, combats pour moi et avec moi ! ».
Ma prière : « Seigneur, je me sens tellement faible ! Revêts-moi de toutes les armes dont j’ai besoin, combats pour moi et avec moi ! »
La prière confesse le péché
Nous allons voir des manquements et connaître des échecs. Cela nous conduit à un cinquième élément : la prière confesse. Elle confesse, sans minimiser le péché, mais en reconnaissant toute la pourriture de notre cœur. Se repentir en prière conduit à la liberté et à la paix, parce que nous sommes assurés d’être pardonnés (1 Jean 1,8-9). Et comme le souligne Keller, plus nous sommes convaincus du fait qu’il n’y a plus aucune condamnation, plus nous pouvons facilement admettre nos fautes. Le but de la confession est aussi que cela ne se reproduise plus ; c’est comme si nous disions à Dieu : « Plus jamais, Seigneur ! ». Voilà pourquoi les prières de repentance sont tellement importantes pour grandir en sainteté et en maturité, voilà pourquoi il serait bon que nous traitions nos péchés au fur et à mesure.